Alpha

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L'alpha en finance, pour une meilleure gestion d'actifs et comment Ploovers identifie les fonds surperformants pour optimiser les portefeuilles.

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Introduction à l'alpha

Ploovers logo

Vous reconnaissez ce logo ? Il s’agit de celui de Ploovers ! Mais saviez-vous qu’il s’agit en réalité de deux lettres grecques représentant le même symbole, alpha, collées l’une à l’autre ?
On entend souvent parler, en finance, du terme « alpha », notamment à propos de gérants d’actifs qui « généreraient de l’alpha » et les notions associées font souvent référence au fait de « battre le marché ».

L’alpha est présenté, à tort ou à raison comme nous allons le voir, comme le « graal » des investisseurs. Il s’agit, dans le jargon des gérants d’actifs et des fonds d’investissement, de la surperformance d’un fond par rapport à son marché, et en particulier la surperformance attribuable au gérant du fond. Son histoire reflète la volonté de séparer le vrai talent du simple coup de chance.

Tout démarre en 1952 : Harry Markowitz introduit la théorie moderne du portefeuille. À l’époque, la gestion d’actifs repose plus sur l’intuition que sur les mathématiques. Markowitz montre qu’on peut assembler des titres pour réduire la variance du portefeuille, comprendre améliorer le rapport rendement par rapport au risque. A cette époque, l’alpha n’existe pas encore.

Dans les années 1960, William Sharpe, entre autre, met au point le CAPM (Capital Asset Pricing Model). Dans cette modélisation théorique, l’alpha n’apparaît pas, il est censé être strictement nul. Mais la pratique montre un écart avec la théorie : l’alpha apparaît alors. Introduit par Jensen, il s’agit de l’écart entre la performance observée et celle que le marché prédit. Autrement dit, l’excès de rendement qu’on ne peut pas expliquer par le seul risque de marché.

Les décennies suivantes voient l’alpha devenir l’argument ultime qu’un gérant est « meilleur que le marché ». Puis arrivent les modèles multifactoriels, notamment Fama-French (1992). On découvre que ce qu’on prenait pour du génie vient parfois de primes de risque (taille, valorisation, etc.), qui n’étaient pas prises en compte. L’alpha « pur » doit donc être la surperformance non expliquée par ces facteurs.

Rapidement, la théorie peut dépasser le concret, or l’investisseur a besoin de pouvoir se positionner et nous verrons également comment faire.

Mais commençons par décrypter tout cela progressivement.

Partie 1 : Compréhension visuelle de l’alpha

Prenons pour exemple un fond qui investit uniquement sur le S&P500 pour simplifier la compréhension.

L’alpha se comprend comme la surperformance « constante » par rapport à son marché. Mais, attention, il s’agit d’une constante de rendement, donc en %/an, qui ne s’ajoute pas à la série de prix de l’actif mais à la série des rendements. Visuellement un écart constant de rendement n’apparaît pas comme un écart de prix constant au cours du temps.

SP500 alpha with alpha = -0.05 and beta = 1.0

SP500 alpha with alpha = 0.05 and beta = 1.0

Vous observez également qu’il est fait mention du bêta. En effet, alpha et bêta sont inséparables. Si l’alpha représente la partie du rendement d’un actif (ou portefeuille) qui reste une fois qu’on a retiré la partie du rendement expliquée par le marché, rien ne garantit que l’actif suive exactement les mouvements du marché.

SP500 beta with alpha = 0.00 and beta = 1.20

SP500 alpha with alpha = 0.00 and beta = 0.80

Et maintenant, si on combine les deux ?

SP500 alpha with alpha = 0.05 and beta = 0.80

SP500 alpha with alpha = -0.05 and beta = 1.20

On comprend donc que l’alpha et le bêta vont de pair lorsqu’il s’agit de caractériser le comportement d’un actif par rapport à son marché (à noter que le S&P500 est en tendance haussière ici, ce qui influence mécaniquement les résultats).

Là où le bêta amplifie les rendements du marché, l’alpha est quant à lui, indépendant, en ce qu’il vient s’ajouter (ou se soustraire) aux rendements.

Afin d’approfondir le propos et de comprendre plus finement ces deux notions, nous allons reprendre quelques bases mathématiques qui permettront de faire ressortir intuitivement les notions d’alpha et de bêta.

Partie 2 : bases mathématiques

Lorsqu’on s’intéresse à un actif financier, on observe une série de prix $P(t)$ (dans le cas ci-dessus, il s’agit d’une série discrète des prix journaliers de clôture avec dividendes bruts réinvestis).

On définit le rendement d’un actif par $R(t, t_0) =\frac{P(t) - P(t_0)}{P(t_0)}$ entre une date $t$ ultérieure à la date $t_0$ de référence.

Très souvent, lorsqu’on s’intéresse à des rendements d’intervalles fixes, qu’ils soient journaliers, hebdomadaires, mensuels, annuels ou autre, on allège la notation en ne conservant que la dépendance en $t$, puisque $t_0 = t - 1$ est connu.

Par exemple, en s’intéressant à des rendements mensuels, avec un seul rendement par mois calendaire, on peut écrire $R(t)$ avec $t$ indiquant le mois courant ($t_0$ devenant implicitement $t - 1$).

Notons $R_i$ le rendement de l’actif ou du portefeuille et $R_m$ le rendement du marché.

On peut donc créer des ensembles de rendements sur une période complète $T$ :

$$ \mathcal{D}_m = \{R_m(t),\, t \in T\} \quad \text{et} \quad \mathcal{D}_i = \set{R_i(t),\, t \in T} $$

Pour rappel, lorsqu’on a une variable cible Y qu’on estime dépendante d’une variable explicative X, et qu’on cherche à expliciter une dépendance linéaire entre les deux variables, on estime alors la régression linéaire de Y sur X. Cela permet de venir écrire, sous certaines hypothèses, Y = constante + coefficient * X + erreur. Selon la qualité de la régression (liée notamment aux termes d’erreurs), on considère, ou non, que la dépendance linéaire décrit correctement les données.

Sur ces deux ensembles, on vient estimer la régression linéaire qui décrit les rendements de l’actif par rapport aux rendements du marché, ce qui donne :

$$ R_i(t) = \alpha_T + \beta_T R_m(t) + \epsilon(t) $$

Remarque : l’alpha dépend de la période d’étude $T$ sur laquelle a lieu la régression, il est donc possible de calculer des alphas différents selon le choix de la période $T$ (exemple: tous les ans).

On voit apparaître ainsi les termes d’alpha et de beta, ainsi qu’un terme d’erreur qui est lié à la pertinence du modèle : il n’est pas toujours possible de venir faire cette opération avec un niveau de confiance acceptable.

À noter que si on s’intéresse à des rendements mensuels, il s’agira alors d’un alpha mensuel, mais on peut très bien utiliser la même approche pour travailler avec des alphas annuels, hebdomadaires ou journaliers.

Quel est le point le plus important à comprendre de tout cela? On considère des rendements réalisés, il s’agit donc de variables qu’on regarde a posteriori! L’alpha est le résidu statistique d’un modèle et non une variable observable directement, comme l’est par exemple le prix d’un actif.

Partie 3 : histoire des théories successives

Pourquoi s’amuser à regarder des régressions linéaires sur des ensembles de rendements pour espérer trouver une relation qui justifierait les notions d’alpha et de béta ? A l’origine, une théorie encore utilisée aujourd’hui destinée à évaluer le prix d’un actif. Si celle-ci introduit explicitement la notion de bêta, l’alpha, afin que la théorie soit juste, devrait être de zéro. Ainsi, ces deux notions sont issues de modélisations théoriques successives, et ces modélisations successives ont notamment été développées afin de répondre à la présence d’un alpha observé en pratique, ce qui n’est pas censé être possible d’après la théorie !

C’est parti pour un peu d’histoire, cette partie étant plus complexe, le lecteur peut passer directement à la partie 4 si nécessaire.

CAPM – Sharpe (1964), Lintner (1965)

Le Capital Asset Pricing Model (CAPM) établit une relation linéaire entre le rendement espéré d’un actif et son risque systématique (β). Formellement :

$$ E(R_i) = R_f + \beta_i \, \bigl(E(R_M) - R_f\bigr) $$

  • $E(R_i)$ : Rendement attendu de l'actif $i$
  • $R_f$ : Taux sans risque.
  • $E(R_M)$ : Rendement attendu du marché.
  • $\beta_i$ : Coefficient bêta de l'actif $i$, mesurant la sensibilité de l'actif aux fluctuations du marché

Ce modèle prédit qu’aucune surperformance persistante (alpha) ne devrait exister. Dans une régression temporelle du rendement en excès d’un actif sur le marché, l’ordonnée à l’origine (α) doit être nulle. En effet, sous le CAPM les actifs sont correctement pricés par rapport à leur β et $\alpha_i=0$ pour chaque actif à l’équilibre, il n’est donc pas question d’alpha à ce stade.

Pour aller plus loin : Ce modèle admet pour hypothèse qu’on peut emprunter et prêter à un taux sans risque commun $R_f$. Dans ce cadre, tous les portefeuilles efficients sont des combinaisons du portefeuille de marché et de l’actif sans risque. Sharpe et Lintner montrent alors, qu’à l’équilibre, seul le risque non diversifiable (mesuré par β) est rémunéré.

Le CAPM introduit ainsi un modèle d’évaluation des actifs. D’autres hypothèses théoriques, parfois discutables voire non-réalisables, interviennent dans l’élaboration de la théorie. Nous ne les détaillerons pas dans cet article, mais n’oublions pas la citation de George Box :

“Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles.”

C’est justement sa remise en cause qui donne naissance à la notion d’alpha.

Jensen (1968) – Alpha de Jensen

Michael Jensen fut le premier à expliciter l’alpha comme mesure de performance. En 1968, il propose d’estimer la capacité d’un gérant à « battre le marché » via l’ordonnée à l’origine dans la régression du CAPM. Pour un actif (ou portefeuille) $i$, Jensen formule :

$$ R_{i}(t) - R_{f} \;=\; \alpha_i \;+\; \beta_i \,\bigl(R_{M}(t) - R_f\bigr) \;+\; \varepsilon_{i}(t) $$

où $\beta_i$ est l’exposition au marché et $\alpha_p$ mesure la surperformance moyenne du portefeuille $i$ par rapport au CAPM. Par construction, $E[\varepsilon_{i}(t)]=0$ avec $\varepsilon_{i}(t)$ l’erreur aléatoire

Si le gérant a de la compétence, $\alpha_i$ sera positif, représentant le taux de rendement additionnel dû à cette habileté de sélection. Un $\alpha_i$ nul indique une performance conforme au risque pris, et un $\alpha_i$ négatif suggère une sous-performance. Jensen reprend les hypothèses du CAPM (marché en équilibre, prime de risque linéaire en β) et considère que l’alpha est ex ante nul en l’absence de talent du gérant.

Pourquoi ce modèle de performance ? Jensen introduit cet indicateur pour évaluer rigoureusement les gérants de fonds de pension américain sur la période 1945–1964. Son alpha de Jensen est un indicateur de surperformance ajustée du risque : il quantifie en pourcentage par an l’excès de rendement inexpliqué par le risque de marché. Ce travail prolonge donc le CAPM en offrant un critère empirique de compétence des gestionnaires. Jensen trouve d’ailleurs que les 115 fonds étudiés n’ont pas, en moyenne, généré d’alpha positif statistiquement significatif : peu de fonds individuels ont surpassé le marché autrement que par chance.

Modèle à 3 facteurs de Fama-French (1993)

Le modèle de Fama et French à trois facteurs étend le CAPM en ajoutant deux sources de risque susceptibles d’expliquer les rendements : la taille de l’entreprise et sa valorisation comptable. La formule s’écrit en excès de taux sans risque :

$$ R_{i,t} - R_{f}=\alpha_i+\beta_{i,M}\,\bigl(R_{M,t} - R_{f}\bigr)+\beta_{i,SMB}\,\text{SMB}_t+\beta_{i,HML}\,\text{HML}_t+\varepsilon_{i,t} $$

où $SMB$ (Small Minus Big) est le rendement du facteur taille (portefeuille long petites capitalisations, short grandes) et $HML$ (High Minus Low) celui du facteur value (portefeuille long actions à haut Book-to-Market, short actions à bas B/M). L’alpha est à nouveau l’intercept $\alpha_i$ de la régression. Si le modèle à 3 facteurs capture correctement le risque, $\alpha_i$ devrait être à nouveau être nul en théorie. En pratique, l’ajout de SMB et HML permet d’absorber les anomalies liées à la taille et à la valeur qui laissaient un alpha non expliqué dans le CAPM pour certains portefeuilles.

Hypothèses et justification : Fama et French interprètent SMB et HML comme des facteurs de risque minimisant des sources de risque systématique non prises en compte par le CAPM. Le postulat est que les différences de rendement associées à la taille ou au ratio B/M reflètent une compensation de risque, et non une anomalie exploitable sans risque. Le modèle conserve les hypothèses d’efficience et d’équilibre du CAPM, mais reconnaît que $\beta_{i, M}$ seul est insuffisant.

Fama et French (1992) avaient remis en cause le pouvoir explicatif de la seule corrélation au marché. Ce modèle est ainsi devenu un nouveau benchmark plus complet que le CAPM pour évaluer la performance ajustée du risque, en particulier dans la gestion actions.

Modèle à 4 facteurs de Carhart (1997) – Ajout du momentum

Mark Carhart prolonge le modèle de Fama-French en y incorporant un quatrième facteur, fondé sur l’anomalie de momentum mise en évidence par Jegadeesh et Titman (1993). Le modèle de Carhart s’écrit :

$$ R_{i,t} - R_{f}=\alpha_i+\beta_{i,M}\,\bigl(R_{M,t} - R_{f}\bigr)+\beta_{i,SMB}\,\text{SMB}_t+\beta_{i,HML}\,\text{HML}_t+ m_i\,\text{UMD}_t +\varepsilon_{i,t} $$

où $UMD$ (Up Minus Down) est le facteur momentum, correspondant à la stratégie « gagnants moins perdants » sur 12 mois. Ici encore l’alpha $\alpha_i$ mesure la part du rendement non expliquée par les 4 facteurs. Sous le modèle à quatre facteurs, un $\alpha$ nul indique que l’effet momentum explique les surperformances précédemment inexpliquées.

Hypothèses et motivation : Le facteur momentum n’a pas de fondement théorique clair en terme de risque (il est parfois attribué à des comportements des investisseurs), mais Carhart (1997) constate qu’il améliore significativement le pouvoir explicatif du modèle sur les rendements des portefeuilles et des fonds. Le modèle à quatre facteurs est largement utilisé dans l’évaluation de la performance des fonds pour neutraliser l’effet momentum.

Modèle à 5 facteurs de Fama-French (2015)

Fama et French enrichissent encore leur modèle en 2015 en ajoutant deux nouveaux facteurs liés à la qualité bénéficiaire et à la politique d’investissement des entreprises. Leur modèle à cinq facteurs inclut, en plus du marché, de SMB et HML, un facteur de profitabilité (noté $RMW$, Robust Minus Weak, opposant les entreprises à haute profitabilité à celles à faible profitabilité) et un facteur d’investissement ($CMA$, Conservative Minus Aggressive, opposant les entreprises à faible investissement à celles à fort investissement). La formule est :

$$ R_{i,t} - R_{f}=\alpha_i+\beta_{i,M}\,\bigl(R_{M,t} - R_{f}\bigr)+\beta_{i,SMB}\,\text{SMB}_t+\beta_{i,HML}\,\text{HML}_t+\beta_{i,RMW}\,\text{RMW}_t+\beta_{i,CMA}\,\text{CMA}_t+\varepsilon_{i,t} $$

L’alpha reste l’intercept $\alpha_i$. Le critère de validité du modèle est toujours que $\alpha_i \approx 0$. Fama et French montrent qu’effectivement ce modèle explique mieux les rendements moyens que le modèle à trois facteurs, en particulier pour des portefeuilles formés sur des caractéristiques de profitabilité et d’investissement.

Le “zoo” des facteurs

Malgré toutes ces modélisations successives, la surperformance positive des fonds se tarit mais demeure existante. D’autres variantes existent des modèles évoqués ci-avant, et sont de plus en plus nombreuses : on a à faire un zoo de facteurs.

Il existe pour simplifier deux camps : ceux qui pensent que l’alpha n’est que le symptôme d’une modélisation imparfaite. Rappelons que le CAPM a pour vocation initialement à proposer une méthode d’évaluation des actifs. Ainsi, l’alpha ne serait que le résidu de primes de risques qui n’ont pas encore été modélisées.

De l’autre côté, il y a ceux qui affirment que l’alpha est bien réel, et que s’il persiste des fonds qui surperforment leur marché, malgré les tentatives d’explications successives, c’est qu’il y a bel et bien des gérants qui ont du talent, et que ce talent peut être persistant dans le temps.

Partie 4 : retour au concret

Ces modélisations successives nous permettent de comprendre la chose suivante : on ne sait pas si l’alpha, au sens de la surperformance inexpliquée par les facteurs de risque, existe bel et bien ou s’il s’agit d’un manquement de modélisation par un facteur pas encore formalisé. Cependant, pour l’investisseur, la surperformance, et malheureusement bien plus souvent la sous-performance, selon le choix de fonds, est bien réelle !

Il n’est pas compliqué de constater que de nombreux fonds sont moins performants que leur benchmark déclaré, or, pour l’investisseur, modélisation théorique ou pas, le fait est qu’il y perd de l’argent.

Par ailleurs, les modèles détaillés précédemment sont rapidement trop abstraits ou complexes à appliquer en pratique, notamment à cause des facteurs. Déjà, une question qu’on a soigneusement évitée pour l’instant : qu’est-ce que le marché ?

Si vous considérez un fond qui investit uniquement sur une classe d’actions clairement identifiée, par exemple le CAC40, on peut raisonnablement estimer que le CAC40 est le marché. Sauf que vous n’avez pas accès au CAC40, il s’agit d’un indice théorique. Un moyen de s’exposer à l’indice est de passer par un ETF qui réplique le CAC40. Cet ETF se comporte alors comme un représentant (imparfait) de ce marché. Je parle de représentant car il constitue un moyen accessible en pratique d’investir sur ce marché, donc la comparaison fait sens.

On est alors naturellement tenté d’estimer :

$$ \alpha_{\text{concret}} = \overline{R_i} - \beta_{\text{estimé}} \,\overline{R_{\text{ETF}}} $$

Quid d’un fond qui investit sur plusieurs classes d’actifs à la fois ? On peut essayer de reconstruire mathématiquement les proportions dans lesquelles le fond investit dans chaque classe d’actifs identifiable. En prenant à nouveau des représentants de ces marchés, on estime à nouveau, à partir d’une régression linéaire multiple :

$$ \alpha_{\text{concret}} = \overline{R_i} - \sum_{m} \beta_{\text{estimé},m} \,\overline{R_{\text{représentant}, m}} $$

De même, le rendement sans risque $R_f$ existe-t-il ? Dans l’absolu non, rien ne vous garantit un rendement > 0 sans risque. Les obligations d’État, qui servent souvent de référence, ont un risque, certes faible pour les pays économiquement très stables, mais ce risque existe quand même. Deux solutions s’offrent généralement à l’investisseur : soit considérer que $R_f = 0$, c’est-à-dire qu’il n’y aura dans la modélisation pas de rendement sans risque auquel se comparer, soit prendre le taux de l’actif que vous considérez comme sûr.

$$ \alpha_{\text{concret}} = \overline{R_i} - R_f - \sum_{m} \beta_{\text{estimé},m} \,\bigl(\overline{R_{\text{représentant}, m}} - R_f\bigr) $$

En procédant ainsi, il est possible de venir répondre quantitativement à la question suivante : « Est-ce qu’un fond est plus ou moins performant par rapport à son benchmark ? ».

Mais n’oublions pas ce que nous avons vu dans la partie 2 : la réponse n’est parfois pas binaire puisqu’un fond peut être surperformant sur une période, puis sous-performant sur une autre. En effet, l’alpha dépend de la période d’étude $T$ des rendements.

En regardant toutes les périodes d’études pertinentes pour le fond étudié, nous obtenons une distribution des alphas $\set{\alpha(T)}$. Sur cet ensemble, il convient ensuite de faire une analyse quantitative, pour déterminer si le fond est intéressant.

De plus, l’alpha étant le résidu d’un modèle statistique, ici une régression linéaire, on s’assure que le modèle a un pouvoir explicatif, non nécessairement constant au cours du temps, matérialisé par le coefficient de détermination $R^2$. En effet, et notamment pour des fonds pour lesquels le benchmark de leur marché n’est pas trivial, la régression peut ne pas toujours donner une solution suffisamment explicative.

Partie 5 : Frais des fonds et ETF

Le lecteur aura peut-être remarqué qu’on semble s’intéresser plus aux alpha positifs qu’aux alphas négatifs. Les modélisations successives de la partie 3 étaient surtout dubitatives d’alpha positifs, qui manifestent une surperformance et une capacité à battre le marché. En effet, il semblerait y avoir un consensus : les fonds mauvais qui sous-performent leur marché, non seulement ça existe mais ils sont légion. Il y a en réalité une subtilité que j’ai volontairement mise sous le tapis : les frais des fonds.

En effet, lorsqu’on vient calculer la performance d’un fond, il faut distinguer la performance brute et la performance nette. Pour comprendre simplement, supposons que le CAPM dise vrai, et que le fond investit sur le marché, alors le portefeuille du fond est correctement pricé vis-à-vis du CAPM, et donc l’alpha est nul. Cependant, il s’agit là de la performance brute, avant application des frais, souvent annuels, que facture le fond aux investisseurs pour ses frais de gestion. Mais dans ce cas, si le portefeuille est correctement pricé et que l’on vient ajouter une performance négative de par la modélisation des frais, nécessairement l’alpha est égal à ces frais, et est donc négatif. La performance nette du fond est inférieure à la performance de son marché. Et ne sont pas inclus les frais supplémentaires de l’enveloppe utilisée pour investir dans ces fonds.

Dès lors, cette distinction entre l’étude de l’alpha brut ou de l’alpha net de frais est importante car si la littérature scientifique actuelle admet comme meilleur résultat qu’au mieux 10 % des fonds dans les études auraient un alpha brut positif, mécaniquement la proportion est bien moindre lorsqu’on regarde un alpha net de frais.

Il y a asymétrie dans la distribution des alphas de fonds, beaucoup de négatifs pour peu de positifs.

Est-ce pour autant bien grave ? Non, tant que vous pouvez identifier ces quelques perles rares !

La question naturelle qui vient ensuite est de savoir pourquoi la liste de ces fonds n’est pas connue de tous, quels sont ces quelques fonds surperformants pour qu’on fonce tous y mettre notre argent ?

En effet, en théorie, il suffirait de récupérer tous les fonds existants et de déterminer tous les marchés possibles, et de leur trouver un représentant adéquat.

Or, c’est à ce moment où tous les écueils se matérialisent.

Premièrement cela suppose d’avoir accès à la donnée correcte et complète, ce qui est probablement la partie la plus complexe. Mais, supposons que vous êtes Ploovers et que vous avez réalisé une partie de ce travail fastidieux avec des investissements conséquents, vous voilà face au problème suivant : il n’est pas possible d’investir sur tous les fonds. Les ensembles de fonds disponibles chez les assureurs peuvent varier entre quelques dizaines et quelques milliers et les fonds disponibles évoluent constamment. De plus, l’alpha n’est pas garanti d’être persistant dans le temps puisqu’on l’évalue sur une période donnée ; or, si un fond a surperformé entre 2020 et 2024, il n’est pas sûr que cela soit encore le cas en 2025, ce qui nécessite une étude régulière et automatisée de l’ensemble des fonds.

On peut alors être tenté de ne passer que par des ETF ; c’est la mode, puisqu’après tout on a peu de chance de tomber sur un fond qui surperforme son marché, n’est-ce pas ? Après tout leurs frais sont bien plus faibles, pourquoi s’embêter à payer un gérant pour qu’il batte le marché lorsqu’on peut simplement suivre le marché ?

Or c’est là où une analyse mathématique et rigoureuse intervient. Il est vraisemblablement infaisable d’identifier tous les fonds qui surperforment (net de frais) leur marché, tout en gardant en tête que, dans un souci de diversification, on va aller chercher une exposition à plusieurs marchés. Cependant, il existe des fonds qui surperforment leur marché et donc compensent de façon non négligeable les frais facturés ; surtout, parfois, pour s’exposer à un marché, les représentants classiques (ETF, par exemple) sont tout simplement trop mauvais pour s’en satisfaire, d’où l’intérêt.

In fine, ce qui compte ce n’est pas d’opposer ETF à fonds actifs, mais que lorsqu’on choisit l’un ou l’autre, ce soit bel et bien dans le meilleur intérêt de l’investisseur. Les frais ne sont pas problématiques en soi, tant qu’ils sont compensés par un excès de performance.

Conclusion

L’alpha, s’il est sujet à un débat d’ordre théorique, se manifeste très concrètement pour l’investisseur. Il existerait des fonds qui surperforment leur benchmark, justifiant leur recommandation, mais il s’agit d’être en mesure de les trouver. Nous avons vu ensemble concrètement comment évaluer cet alpha. Ploovers, de par son expertise longue de plusieurs années, est non seulement capable d’analyser quantitativement la surperformance des fonds, mais surtout d’analyser un univers entier de fonds pour déterminer les meilleurs représentants de leur marché, aptes à être utilisés dans la construction d’un portefeuille optimal, lui aussi par une approche mathématique.

Cet article ne saurait se substituer à un conseil en investissement financier.

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